Dessiner une ligne en suivant rigoureusement le bord du format choisi ; puis en dessiner une deuxième qui longera avec autant de minutie la ligne qui la précède. Le dessin prend fin quand la dernière ligne sortira du format. Ce processus de remplissage est un outil d’expérimentation et de questionnement. Mon intérêt premier est plastique : expérimenter la ligne et la surface, l’espace dessiné et non-dessiné, le rythme, les valeurs de gris, la matérialité du dessin, l’interaction entre le médium et le support.
Le corps, dans mon travail est un élément important. Au même titre que l’outil, le médium ou le support, ma posture (assis, accroupi, debout, l’envergure du geste) est un paramètre dans l’expérience qu’il faudra remettre en jeu. Par ailleurs, l’acte de dessiner est froid, quasi mécanique et de ce fait, ma défaillance est l’émergence de toute la richesse sensible et plastique. Accidents et erreurs font échouer mon désir de maîtrise et de contrôle et chaque projet doit être le théâtre de cette tension. De plus, le passage du médium graphite à celui des encres a mis en évidence une autre particularité, celle de la temporalité. Lors de l’exercice de mon protocole, je parcours la surface et chaque ligne, chaque interruption inscrit le temps. Ainsi il est un paramètre important et s’exprime clairement dans la mémoire collective. Le regardeur s’approprie ce champ dessiné rigoureux et y projettent des images comme les anneaux d’un arbre, les strates géologiques ou les gouttes de pluie sur une vitre.
Comme un rhizome discret, l’espace a été convoqué tout au long de mes recherches. Il l’a été au commencement dans le plan, lors de la réalisation des dessins sur papier, puis dans leur inscription dans le lieu d’exposition. Par la suite, investir les trois dimensions spatiales me sembla très naturel. La mise en œuvre du protocole hors de l’atelier a modifié intrinsèquement ma pratique. De la même façon que la relation outil / papier, la relation outil / mur devra participer aux enjeux développés mais aussi s’inscrire dans le contexte du lieu. La nature, l’environnement, la fréquentation, la fonction du lieu seront des paramètres importants pour le choix de l’outil, du médium et du format qu’occupera le dessin dans l’espace choisi.